Centre Jésuite pour la Foi et de la Justice, Irlande: Répondre au plus grand défi de notre temps

Centre Jésuite pour la Foi et de la Justice, Irlande: Répondre au plus grand défi de notre temps

Glendalough, la vallée des deux lacs. Crédit photo: commons.wikimedia.org
Glendalough, la vallée des deux lacs. Crédit photo: commons.wikimedia.org

Catherine Devitt (Traduit de l’Anglais par Ismaël Matambura, SJ)

Je viens de Glendalough, Comté de Wicklow, à l’Est de l’Irlande. C’est un milieu de profonde tradition monastique – Saint Kevin depuis le 6ème siècle – d’une incroyable beauté naturelle, une vallée qui s’est creusé au fil du temps par des dynamiques glaciaires et fluviaux et abrite aujourd’hui de vastes forêts de chêne datant des années 1800.

Je crois que le temps passé dans ce lieu aux valeurs spirituelles et écologiques riches a instillé en moi, comme jeune adulte, un sens profond de l’importance des processus de la nature, et notre dépendance sur ces processus pour notre propre fonctionnement, le sens du bien-être, et les perspectives pour la Terre. En effet, ces années de formation clés ont constitué un catalyseur de vouloir être au service du soin de l’environnement naturel, bien qu’il aurait fallu beaucoup de temps pour le réaliser.

Lorsque l’amour de la nature est si profondément ancré et entrelacé au sein de votre propre habitus personnel, lorsque vous êtes conscient de la nécessité d’un environnement naturel sain pour notre être sur Terre, et quand vous êtes conscient de l’importance du maintien de cette interrelation pour les générations futures, il est impossible de résister aux cris de la terre, cris plus forts aujourd’hui que jamais.

Bien sûr, au cours des dernières décennies, l’interrelation entre les activités environnementales naturelles et humaines, a émergé comme un élément important dans le débat sur les questions de justice sociale, mais cette année revêt une importance particulière vu que l’urgence d’agir pour le changement climatique et la dégradation de l’environnement se fait sentir avec acuité.

L’encyclique du Pape François Laudato si’ a suscité beaucoup d’attention et de débats à l’échelle internationale sur notre relation avec l’environnement, et ses implications sur les questions de justice sociale. Les Objectifs de Développement Durable établis récemment constituent un message d’espoir de l’engagement mondial pour assurer la protection de l’environnement ainsi que l’éradication de la pauvreté et mettre fin à l’injustice. Les regards seront tournés sur Paris en Décembre prochain, lorsque les dirigeants du monde se réuniront dans le cadre de la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, dans le but de parvenir à un Accord universel juridiquement contraignant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la prévention des niveaux dangereux du changement climatique.

Je suis donc très heureuse de commencer ce travail en 2015 en tant que Nouvelle Administratrice de la Justice Environnementale du Centre Jésuite pour la Foi et la Justice (JCFJ)  qui est activement entrain de répondre au plus grand défi de notre temps: le changement climatique et la dégradation de la nature. L’objectif clé du Centre est de promouvoir la justice sociale en favorisant la compréhension des questions d’intérêt public à travers l’analyse sociale, les réflexions et le plaidoyer.

La création de ce nouveau poste s’avère important et fait suite à une récente évaluation de la manière dont le soin de l’environnement et la prise de conscience des questions de la justice environnementale  pourraient être renforcés par les recherches et les mesures publiques y afférentes.

Récemment, le Centre a produit un numéro de son journal Working Notes (le numéro 77) sur le thème «Prendre soin de notre maison commune» qui met ensemble les perspectives sur l’économie écologique et celle de la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques à Paris (COP21), des rapports sur les activités écologiques des communautés ecclésiales en Irlande, et le rôle que les entreprises sociales peuvent jouer pour répondre aux questions environnementales.

Ce travail sera guidé par la récente Encyclique du Pape François et, de façon critique, s’engagera à l’analyse des mesures politiques et à la réflexion dans la perspective sociale et socio-théologique. Je vais aussi m’investir dans le débat public sur les questions de justice environnementale, tout en appuyant les initiatives existantes ici en Irlande, ainsi que les activités internationales dans le domaine de l’environnement telles que Ecojesuit.

Malgré l’élan mondial en hausse sur la lutte contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement, la lutte majeure en Irlande consiste à éveiller le sens de l’urgence dans la classe politique. Europe 2020 in Irlande  a publié un document de travail Country Report Ireland 2015 incluant un examen approfondi sur la prévention et la correction des déséquilibres macro-économiques, qui critiquait le pays du fait des insuffisances de sa politique sur le climat.

Les Projections 2012-2030 des émissions de gaz à effet de serre en Irlande, par L’Agence pour la protection de l’Environnement  rapportent que la récession économique de 2008 a entraîné une diminution des émissions de carbone, mais l’actuelle avancée économique signifie également que l’Irlande est sur la voie de rater ses objectifs 2020 de réduction des émissions, selon l’étude 2014 de l’Agence Européenne pour l’Environnement, et pour lequel le Pilier Environnemental, un réseau de 28 ONGs Nationales environnementales en Irlande, demande au gouvernement de «mettre fin à son approche décousue des objectifs d’émissions et de mettre l’Irlande à l’avant-garde des actions sur le changement climatique.»

C’est seulement très récemment que l’Irlande a commencé à faire des progrès sur une politique solide en matière de changement climatique, avec la mise en place du Climate Action and Low Carbon Development Bill. Ce décret place, pour la 1ère fois en Irlande, la politique climatique sur une base légale, un peu moins de deux mois avant les négociations climatiques qui se dérouleront à Paris. Cependant, l’urgence demeure autour de l’élaboration de plans d’atténuation et d’adaptation (y compris le développement du secteur des énergies renouvelables et se déplaçant vers le transport durable), l’établissement des objectifs 2050 de réduction des émissions ciblées, et l’engagement de l’Irlande à aider les pays en développement à suive la trajectoire de faible émission de carbone.

Pour l’avenir, le gouvernement Irlandais se voit comme étant un cas particulier qui mérite moins d’objectifs stricts pour 2030, sur la réduction des émissions, principalement en raison du rôle du secteur agricole dans l’économie irlandaise. L’agriculture représente actuellement environ 33% des émissions de gaz à effet de serre de l’Irlande et des plans de son élargissement considérables existent déjà, comme indiqué dans le rapport Répercussions économiques projetées du changement climatique sur l’agriculture irlandaise  par le Dr Stephen Flood, au nom d’une organisation de la société civile, Stop Climate Chaos. Mais cela a des répercussions négatives non seulement sur nos niveaux d’émission, mais aussi sur la riche diversité biologique Irlandaise.

Birdwatch Ireland est un organisme caritatif engagé dans la protection des oiseaux sauvages et de leur habitat. Photo d’une Oie à pattes roses avec un troupeau d’Oies cendrées gris. Elle est utilisée pour encourager les ornithologues à signaler la formation de troupeaux pendant cette saison (mi-Novembre) lorsque l’enquête annuelle des oies islandais à travers l’Irlande et la Grande-Bretagne est entreprise. Crédit photo: John N Murphy, BirdWatch Ireland Wicklow Branch
Birdwatch Ireland est un organisme caritatif engagé dans la protection des oiseaux sauvages et de leur habitat. Photo d’une Oie à pattes roses avec un troupeau d’Oies cendrées gris. Elle est utilisée pour encourager les ornithologues à signaler la formation de troupeaux pendant cette saison (mi-Novembre) lorsque l’enquête annuelle des oies islandais à travers l’Irlande et la Grande-Bretagne est entreprise. Crédit photo: John N Murphy, BirdWatch Ireland Wicklow Branch

La hiérarchisation des intérêts économiques nationaux sur le bien commun reflète un manque d’engagement du gouvernement pour lutter sérieusement contre le changement climatique et les questions de justice sociale qui en découlent. Ce manque de volonté politique et de leadership limite la capacité de la société Irlandaise à prévenir et à s’adapter au changement climatique ainsi qu’à devenir plus consciente des conséquences néfastes de certaines de nos actions quotidiennes. Il y a également des conséquences sur les générations futures.

Il est très utile que les organisations de la société civile jouent un rôle actif dans le lobbying sur le changement politique et la sensibilisation des masses. En effet, sans la pression des organisations de la société civile, la position de la politique actuelle du gouvernement sur le changement climatique aurait été beaucoup plus faible – mais en ligne avec les recommandations de Laudato si’ (179,181), une pression croissante est nécessaire pour assurer une approche holistique intégrée et beaucoup plus efficace à long-terme ayant à la base le bien commun et les droits de l’environnement.

Essentiellement, un changement de mentalité est nécessaire dans le chef de nos dirigeants et dans toute la société, et certainement en Irlande, une mobilisation accrue des institutions publiques et civiques est nécessaire pour influencer le changement politique.

M’appuyant en même temps sur les exemples de l’Irlande, je suis fortement encouragée par le nombre croissant d’événements et de séminaires organisés par les communautés sur la vulgarisation de Laudato si’ et la sensibilisation sur la COP21 ainsi que les actions en faveur du climat.

Il y a des défis majeurs concernant la lutte contre le plus grand défi de notre temps, mais je crois que la compréhension des défis socio-écologiques auxquels nous sommes confrontés dans une perspective spirituelle peut nous aider à affronter ces défis comme une occasion de réaliser le vrai potentiel de ce que cela signifie d’être humain au sein de la grande histoire de l’Univers. Ce ne sont pas des questions sur la Terre, cela est une question à propos de nous, et de nos relations entre nous et avec notre maison planétaire. L’appel à l’action est maintenant une opportunité pour la transformation de la société vers une société plus juste et égalitaire.

En tant d’Administratrice de la Justice Environnementale au Centre, je suis intéressée à explorer un certain nombre de questions-clés, telles que:

Quelles sont les implications politiques de Laudato si’ et comment pouvons-nous créer «un nouveau dialogue sur la façon dont nous façonnons l’avenir de notre planète», une «conversation qui inclut tout le monde»? (LS 14)

Qu’est ce qui doit changer dans la gouvernance actuelle et les structures de la société civile pour permettre à ces conversations d’avoir lieu et pour permettre «une nouvelle et universelle solidarité»? (LS 14)

Qu’est ce qui doit changer pour encourager et faciliter davantage le contrôle du pouvoir politique par les citoyens, que François estime nécessaire pour prévenir les dommages environnementaux? (LS 179)

Au-delà de fournir des informations et de sensibiliser, quels sont les déclencheurs nécessaires pour motiver la société civile dans la transformation des modes de vie nocifs en des habitudes qui sont plus en accord avec les limites planétaires?

Comment pouvons-nous étendre la portée de Laudato si’ au-delà des oreilles des seuls croyants, de sorte que la compréhension de l’impératif moral de lutte contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement puisse atteindre un public plus large?

Comment pouvons-nous garantir la protection continue de la biodiversité et comme François  nous a rappelé, les droits de l’environnement  dans nos efforts de lutte contre les conséquences du changement climatique tandis que nous faisons notre transitions vers une société à faible carbone?

Enfin, comment pouvons-nous encourager nos dirigeants à aller au-delà des intérêts nationaux, à reconnaître un sens de la responsabilité collective pour l’action contre le changement climatique et la dégradation de l’environnement ?

Catherine Devitt a une formation en sciences sociales et une maîtrise en politique environnementale; elle a aussi suivi un programme sur l’ecologie et la spiritualité. Si vous souhaitez contacter Catherine par rapport aux questions de justice environnementale ou sa nouvelle fonction d’administratrice de la justice environnementale, écrivez à cdevitt(at)jcfj.ie.

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