Comprendre l’impact de l’activité minière: Visite a La Nueva Esperanza, Honduras

Comprendre l’impact de l’activité minière: Visite a La Nueva Esperanza, Honduras

Forêt tropicale à Honduras. Crédit photo: worldlandtrust.org
Forêt tropicale à Honduras. Crédit photo: worldlandtrust.org

Kirsti Tasala (Traduction: Jacques Nzumbu, SJ)

Le Honduras est un pays d’Amérique centrale, doté d’une riche histoire, d’une merveilleuse géographie et d’un peuple généreux. Mais c’est aussi un pays où la violence demeure un défi et où les assassinats restent souvent impunis. Les raisons de la violence sont incroyablement complexes, mais l’une d’elles, directement liée aux conflits est l’exploitation des ressources minières. Le Honduras a effet d’importantes réserves d’or, d’argent, de zinc, de plomb, de fer, de minerai et d’antimoine. En 2011, les exportations minières y ont généré 206,5 millions des dollars américains, selon l’Association nationale des métaux miniers.

En Septembre 2013, un groupe restreint représentant les différents apostolats jésuites du Canada et USA visita le Honduras. Emmenée et organisée par la Conférence jésuite des USA, la délégation fut accueillie par le P. Ismaël “Melo” Moreno Coto, SJ, directeur de Radio Progreso and Equipo de Reflexión, Investigación y Comunicación, une station radio communautaire jésuite et centre social de recherche en Honduras. Le groupe des hôtes était formé aussi bien des jésuites que des collaborateurs laïcs, et deux membres du réseau de la Gouvernance des Ressources Naturelles et Minérales (GRNM), l’un des secteurs prioritaires du Réseau pour le Plaidoyer Ignacien Global (GIAN).

Nous avons passé neuf jours à Honduras. Ce que nous y avons vu et entendu pendant ce temps était déconcertant, troublant et tragique. La visite avait pour but d’apprendre davantage sur la réalité sociale et politique de Honduras, la réponse de l’Eglise aux différents défis actuels, le rôle des relations internationales, et comment pourrait-on être solidaires aux jésuites et aux peuples qu’ils servent à Honduras.

P. Ismaël “Melo” Moreno Coto, SJ, Directeur de Radio Progreso, hôte de la délégation
P. Ismaël “Melo” Moreno Coto, SJ, Directeur de Radio Progreso, hôte de la délégation

Comme représentante du Canadian Jesuits International, un apostolat canadien, j’étais particulièrement intéressée par l’impact du nouveau code minier adoptée et ratifié par le Congrès hondurien, début 2013, et développé avec l’aide de l’Agence Canadienne du Développement Intégral.

En rapport à la Loi Minière Générale, cette nouvelle loi minière a été adoptée et ratifiée le 26 janvier 2013, mettant ainsi fin au moratoire sur les permis miniers depuis 2006 que l’ancien président Manuel Zelaya avait signé et qui mettait fin à toutes futures concessions minières depuis lors. Le projet de la nouvelle loi proposé par Zelaya au parlement hondurien en mai 2009 incluait entre autres mesures l’abandon des puits miniers à ciel ouvert, la prohibition de l’utilisation du cyanure et du mercure et le consentement des communautés locales chaque licence ou concession minière. Mais c’était sans compter avec le coup d’Etat de juin 2009 qui stoppa net le processus législatif de cette proposition de loi.

Cette nouvelle loi minière a été produite sous des continuelles protestations pendant que de nouvelles concessions minières et l’exploitation des sites miniers pour le développement étaient passées sous l’emprise du nouvel arsenal législatif.

Nous y avons appris aussi que ceux qui s’opposent à l’exploitation de leurs terres sont souvent menacés et criminalisés. Durant notre visite nous avons rencontré des personnes de différents secteurs de la vie sociale, autant ceux qui luttent directement pour la défense de leurs terres, en enfreignant la loi, que ceux qui les y accompagnent et les supportent dans leur combat.

Nous avons rencontré les membres de la communauté La Nueva Esperanza, un village de la municipalité de Tela dans le département de La Atlantida, qui se bat depuis environs 12 ans pour protéger leur terre de l’exploitation minière. Ils ont peur de mêmes problèmes de destruction d’environnement et de santé qui ont affecté d’autres communautés.

Un membre de la communauté nous a dit: “La vie est dure maintenant, les enfants ne peuvent pas aller à l’école et l’enseignant est harcelé. Personne ne peut vivre en paix, car dès que les employés de l’entreprise minière arrivent dans la communauté, les gens fuient vers les Iles, loin de leurs maisons à cause de la peur. En plus, la communauté est divisée.” Enrique, un vieux, membre de la communauté nous disait qu’il était irisé lors d’une rencontre communautaire à propos de la mine proposée. Il n’en veut pas et est préoccupé par ses conséquences environnementales négatives. “On a déjà découvert des poissons morts dans la rivière, et il y a fluidité en trois couleurs différentes. La déforestation (coupe de bois en préparation de la mine) a déjà causé des problèmes.” Enrique a peur, car si la mine est construite, plus de poisson vont mourir et l’eau sera de plus en plus polluée. Durant des générations, la vie de la communauté dépendait de la rivière Leon et ses terres environnantes, et pour cela, ils veulent la protéger.

Les autorités ont récemment renforcé leur présence à Nueva Esperanza, mais au lieu d’en assurer la protection, les membres de la communauté s’y sentent terrorisés. Ceux qui ont essayé d’accompagner et de supporter la communauté étaient aussi maltraités. Deux observateurs internationaux avaient en effet été séquestrés plusieurs heures parce qu’ils accompagnaient une femme qui ne voulait pas vendre sa terre. En outre, un prêtre autochtone et un laïc qui supportaient la communauté avaient été retrouvés morts après traitements dégradants.

Une personne qui parle haut et fort contre le danger de nouveaux projets miniers est Mgr Michael Lenihan, OFM, de la Ceiba, Honduras. La délégation rencontra Mgr Michael Lenihan un après-midi et partagea avec lui sur les activités du groupe. L’assemblée diocésaine de Ceiba se tint le 01 juin 2013 et déclara que l’industrie minière présentait des sérieux problèmes pour toute la région.

Cette déclaration du Diocèse de Ceiba avait été rendue publique le 26 juin 2013 exprimant ses vives inquiétudes sur le développement des activités minières dans le département de l’Atlantida. Dans un entretien avec Luke Hansen, SJ, éditeur du Magazine America, et membre de notre délégation, Mgr Michael Lenihan, OFM, Evêque du diocèse de Ceiba et l’un des membres signataires de la déclaration, nous partagea ses pensées.

Ci-dessous les extraits dudit entretien qui avait été publié dans un article de America du 10 février 2014, sous le titre de Justice minière: défendre l’environnement et arrêter la violence à Honduras:

Luke Hansen: Que pouvez-vous nous dire à propos de l’expansion des intérêts miniers à Honduras?

Bishop Michael Lenihan: Le Conseil pontifical justice et paix a récemment publié un document sur l’amour de la création et le besoin de protéger la mère, terre, et pas l’abuser ni l’exploiter. Il devrait avoir dialogue et respect pour le peuple. Mais dans cette région, il n’y a jamais eu aucun respect ni dialogue avec le peuple. Des hommes en armes font pression sur les propriétaires terriens pour qu’ils les vendent. C’est un grand problème ici.

Nous sommes entrés en dialogue avec quelques groupes miniers à La Atlantida. Nous y avons rassemblé toute la communauté et eu deux réunions, mais nous n’avons pas réussi à stopper la grande expansion minière dans la région. Du coup, nous disait-il (l’Evêque), s’il ne peut pas gagner cette bataille de manière pacifique, il pourrait demander au peuple de l’y aider par la force. Il nous l’a dit en privée, à la réunion, mais je pense que maintenant, c’est déjà public. Il y a beaucoup de tension dans la zone. C’est une situation très difficile. Nous continuons à parler au peuple et à leur témoigner de notre solidarité. En même temps, face à la machination de l’Etat, il est urgent de réussir et de les convaincre à ne pas laisser exploiter leurs terres.

Luke Hansen: Comment est née l’idée d’une déclaration diocésaine sur l’exploitation minière? En avez-vous eu un certains échos positifs de la part de la majorité des catholiques?

Bishop Michael Lenihan: La déclaration est le produit de plusieurs débats. Nous avons laissé murir les idées. Nous y avons élagué certaines choses, y ajouté d’autres et en fin, nous avons pensé que c’est fut le moment opportun qu’on publiât quelque chose. Ainsi, avions-nous décidé de faire quelque chose pour soutenir les efforts du Père César (Espinoza), dénoncer ce qui, à nos yeux, était manifestement injuste, soutenir le peuple, et ainsi être solidaire avec lui au milieu de toutes ses souffrances.

Globalement, la réponse positive et beaucoup de gens nous ont félicités à propos de la lettre. D’ailleurs, un des Evêques de Choluteca disait qu’au cours d’une rencontre qu’il a eue avec des groupes anti-activités minières, il avait utilisé nos idées et réflexions pour leur parler. Les politiciens, par contre, pourraient être négatifs vis-à-vis de la Déclaration car ils n’aimeraient pas voir l’Eglise s’immiscer sur ce terrain-là. Mais, ils n’ont pas attenté à nos vies, ni rien d’autre, car, je crois, que la Déclaration fut équilibrée, profondément enracinée dans l’Evangile, l’Enseignement Social de l’Eglise et le charisme franciscain de l’amour de la création.”

Down to Earth: A struggle over land and power in Honduras, article rédigé par Luke Hansen était publié vers fin Février 2014.

Depuis le retour à nos milieux respectifs, les membres de la délégation ont gardé contact avec l’œuvre des jésuites et leurs partenaires à Honduras. L’une des retombées est le développement du projet de plaidoyer sur les Mines et la Justice Environnemental en Amérique Centrale. Ce projet de plaidoyer poursuit les mêmes objectifs et buts que le réseau GNMR, “supporter et plaider pour et avec les personnes et communautés affectées par l’activité minière.” Le projet sera orienté de manière spécifique à l’augmentation du niveau de vigilance et à la construction des capacités locales dans le contrôle de la santé environnementale, l’éducation des communautés, et un plaidoyer effectif pour l’Amérique Centrale et les Caraïbes, spécialement à Honduras, El Salvador, Guatemala, et en République Dominicaine. Le projet sera mené par la Conférence jésuite des Etats-Unis et finalisé dans les années qui viennent.

Kirsti Tasala
Kirsti Tasala

Kirsti Tasala est coordinatrice de jeunesse et proximité au Canadian Jesuits International. Avant, Kirsti avait travaillé pour les organisations sans but lucratif dans les communautés de développement et éducatives aussi bien au Canada que dans d’autres pays. Kirsti a vécu et travaillé comme volontaire au Costa Rica, Kenya, Angleterre, et Japon.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *