
Jean-Christian Ndoki, SJ (Traduit de l’Anglais par Ismaël Matambura, SJ)
Depuis l’article de Lynn White Les Racines Historiques de Notre Crise Ecologique de 1967 et le Rapport Brundtland sur Notre avenir commun de 1987, un grand nombre de textes ont été publiés et plusieurs réunions se sont tenues sur les questions de l’écologie et de la durabilité. Les plus récents de ces événements sont la publication de l’Encyclique du Pape François Laudato si’ et la 21ème Conférence annuelle des Parties aux Nations Unies (COP 21) tenue en Novembre 2015 à Paris.
Quelques semaines avant la COP 21, en Septembre 2015, le sommet de l’ONU pour le développement durable a adopté un document intitulé Transformer notre monde: l’Agenda 2030 pour le développement durable. Au niveau de l’Eglise en Afrique, la préoccupation a été exprimée de diverses manières au cours des deux synodes et la question est encore examinée tant par les théologiens, les politiciens, les économistes que par les scientifiques et tant d’autres.
J’apprécie cet intérêt du monde entier pour cette question. Cependant, je trouve que la plupart de ces écrits ou rencontres continuent de mettre l’être humain au-dessus ou au centre de l’univers. Les êtres humains se considèrent comme investis de la mission de prendre soin de la planète. Ils se posent en responsables du monde.
A mon sens, il y une dimension très importante qui n’a pas été assez approfondie. C’est le principe de solidarité. Je crois fermement que ce principe, profondément enracinée dans la spiritualité Africaine, dans la «manière Africaine de vivre.» Cette manière de vivre offre à plusieurs égards, une meilleure façon de saisir et de traiter les défis de l’écologie et de la durabilité.
En fait, «la manière Africaine de vivre» ne considère pas le monde comme quelque chose d’extérieur à nous les humains. Elle ne met pas non plus l’Humanité au sommet ou au centre de l’Univers. Les êtres humains font partie intégrante de l’Univers. En fait, le monde est comme un corps universel dans lequel circule le même sang: la vie. Et tous les êtres y ont part: les minéraux, les plantes, les animaux, les humains, les vivants, les morts et même ceux encore à naître. Ils partagent la même vie, la même force vitale.
Par conséquent, il y a une relation de soin mutuel entre le monde et les êtres humains. La vie dans toute créature doit être respectée. Toute action humaine doit être orientée vers le maintien, l’accroissement et la protection de la vie. Toutes les créatures sont profondément interconnectées et il y a un équilibre dans la relation entre eux.
Néanmoins, diverses causes peuvent perturber cet équilibre. En ce qui concerne la responsabilité humaine, je vois trois causes principales pouvant affecter cet équilibre: l’ignorance, la cupidité et la pauvreté.
J’appelle ignorance le fait que les gens ne savent pas correctement, ou ne sont pas au courant du lien entre eux et le monde. Par conséquent, ils entreprennent des actions de nature à perturber l’équilibre. La cupidité signifie que les gens veulent consommer plus que ce dont ils ont réellement besoin, privant ainsi les autres de la part nécessaire pour mener une vie décente. Insatiables, les êtres humains finissent par détruire toutes les ressources, supposant à tort que celles-ci sont inépuisables ou infiniment renouvelées. La pauvreté, quant à elle, est une des conséquences de la cupidité. Elle conduit ceux qui ne disposent même pas du minimum nécessaire pour leur survie, à mettre plus de pression sur la nature et ses ressources, quels que soient les dommages, tant qu’ils peuvent obtenir quelque chose pour survivre.
Peter Knox, Ferdinand Muhigirwa, et certains autres contributeurs au livre Just Sustainability: Technology, Ecology and Ressource Extraction (2015) explorent la question de l’exploitation agricole ou des ressources minérales en Afrique. Chacun bénéficie-t-il de cette exploitation? L’expérience de la RD Congo montre que la plupart des fois les populations locales ne bénéficient pas de cette exploitation et cela génère des frustrations. Dans diverses parties du monde, nous assistons déjà à l’explosion de bombes d’un monde et d’une humanité frustrés: les guerres, le terrorisme, les réfugiés, les épidémies, les perturbations géo-climatiques, et bien d’autres.
A moins que nous nous rattrapions et que nous promouvions la valeur de la solidarité entre les peuples, entre les nations et entre les êtres humains, l’équilibre du monde qui nous porte et nous nourrit court à sa rupture. Une bonne éducation est nécessaire d’être plus conscients de la nécessité de la solidarité.
L’exemple de solidarité observée dans la nature devrait conduire à la solidarité économique qui pourrait être le remède contre la pauvreté et la cupidité. La solidarité signifie la prise de conscience et la conviction intérieure que nous partageons la même vie, et que chacun mérite et a droit à une vie décente.
La solidarité n’est pas charité. La solidarité c’est la justice, une conformité avec ce qui est juste. Vivre la solidarité dans notre monde aujourd’hui pourrait signifier renoncer à un certain confort que nous chérissons et auquel nous nous accrochons. Sommes-nous prêts pour cela?
Jean-Christian Ndoki, SJ étudie actuellement au Collège Boston École de théologie et ministère à Brighton, Massachusetts, Etats-Unis.