Laudato si’: Science, societé, éthique et spiritualité en harmonie

Laudato si’: Science, societé, éthique et spiritualité en harmonie

La pénurie d’eau dans les régions arides et semi-arides de l’Afrique requiert une adaptation environnementalement, durablement et  climatiquement astucieux pour plusieurs petits fermiers Africains. Crédit photo: IFAD-UN/Clarissa Baldin
La pénurie d’eau dans les régions arides et semi-arides de l’Afrique requiert une adaptation environnementalement, durablement et climatiquement astucieux pour plusieurs petits fermiers Africains. Crédit photo: IFAD-UN/Clarissa Baldin

Peter Knox, SJ

C’est une joie de lire Laudato si’ et cette encyclique ira droit au coeur de tout chrétien soucieux de l’avenir de notre planète. Elle est bourrée d’informations tout en évitant d’être technique en même temps. D’un point de vue africain, j’apprécie qu’elle soit holistique mais à la fois bien circonscrite, inclusive, concrète, prophétique et une autre contribution à la tradition de l’enseignement social de l’Église. Dans sa recherche à atteindre une variété d’audiences, l’encyclique ne compromet sur aucune des intuitions scientifiques. Sur plusieurs sujets elle est magistérielle, mais elle encourage aussi le débat ouvert, n’insistant pas qu’elle est une parole finale sur le sujet.

Holistique mais aussi circonscrite

Elle ne traite aucun problème de façon isolée: tout est connecté (160). Non seulement du problème du changement climatique, mais aussi de la pollution, l’eau, les modèles de développement inappropriés, etc. Mais en même temps le Pape François ne traite pas dans cette encyclique tout problème complexe auquel l’humanité fait face.

Des discours scientifiques audacieux comme Les Frontières Planétaires peuvent faire apparaître les problèmes comme s’ils étaient sans solution et peuvent induire un esprit de résignation en face de tels défis. En bon pédagogue, le Pape François traite ces mêmes réalités sans mystifier le lecteur (23). Il écrit à propos “du réseau mystique des relations entre les choses” (20) d’une manière telle que nous pouvons nouer des liens dans notre expérience quotidienne. Ceci résonne avec l’intuition exprimée par plusieurs peuples Africains qu’il existe une connectivité foncière entre les vivants, ceux partis avant nous, ceux à naître et la terre même sur laquelle nous vivons.

Inclusive 13+14

Le “problème d’amener l’entière famille humaine ensemble pour chercher un développement durable et intégral” et l’appel à une “conversation qui inclut chacun” doit inclure l’Afrique. Cela sonne le glas de notre marginalisation comme continent regardé, au mieux, comme une énigme et, au pire, comme un problème. Comme la crise affecte l’Afrique, nous devons aussi être vus comme part de la solution. Le continent a une densité démographique très faible, une grande variété d’écosystèmes et une abondance de ressources énergétiques propres – l’hydroélectricité, le solaire, l’éolien, les vagues. Toutes ces ressources doivent être employées au profit de toute l’humanité, à terme au profit des peuples du continent.

L’encyclique est plus inspirée par le récit anthropocentrique de la création (Genèse 2) avec notre participation à la nature que par le récit de Genèse 1 duquel transparaît aisément une approche technocratique dominante.

De quoi la terre a-t-elle besoin de nous (160)? Nous avons une contribution à apporter pour la santé de la planète entière. La notion d’intendants et jardiniers pour prendre soin de la planète ers to tend the planet – Genèse 2. Les humains font partie du monde créé (2) – pas mis à part pour dominer ce dernier. Ainsi, nous sentons avec la terre parce que nous en faisons part et elle notre domicile.

Concrète

L’encyclique aborde les problèmes qui affectent les vies des gens. Nous pouvons nous relier à ce qui est écrit. Elle ne se situe pas à un niveau loitain de généralisation spirituelle ou théologique. L’Afrique est déjà en train de faire l’expérience d’évènements météorologiques sans précédent que certains attribuent à tort ou à raison au changement climatique. Les neiges du Mont Kilimanjaro, l’emblématique et le plus haut sommet du continent, sont déjà en train de disparaître, ne produisant plus des courants d’eau tout au long de l’année pour les villages au bas de la montagne. Je crains qu’à mesure que ces problèmes s’empirent nous n’observions une amplification des vagues de migration à l’intérieur et à l’extérieur du continent, avec leur lot d’instabilité sociale et des conflits qui seront pires que la “crise des refugés” actuelle.

Prophétique

Un bon prophète annonce et dénonce à la fois. Le Pape François dénonce l’indifférence, la résignation et l’obstructionisme (14). Il annonce une vision plus positive profondément ancrée dans la spiritualité franciscaine et ignacienne – ce qui nous permet de nous re-loger dans le grand plan de Dieu pour la création. Il encourage la coopération, une place pour le génie de “cultures, expériences, implications et talents” individuels (14). Tout ceci résonne avec l’affinité des Africains à l’inculturation, le désir de faire les choses à “notre” façon.

L’encyclique est clairement ENRACINÉE dans la tradition de l’Enseignement Social de l’Église Catholique, et donc une certaine portion est prédictable.

Solidarité: Souci pour les plus pauvres dans la société globale qui sont les plus affectés par les changement dans notre “écologie humaine” (25, 26). Parmi ces plus pauvres figurent des millions d’Africains.

Destination universelle: Le climat est vu comme un “bien commun” (23, 95). Pour si longtemps, les Africains se sont sentis exclus de la participation au bien collectif – au point de sentir comme si nous ne possédions même pas les ressources minières de notre continent. Le colonialisme flagrant du 19ème siècle a été remplacé par une nouvelle forme de colonialisme postindépendance qui dépouille le continent de ses atouts avec la complicité des élites locales. Il est encourageant d’entendre que le climat est là aussi pour notre bien.

Dans le chapitre 3 (23-25), les racines anthropogéniques et les conséquences humaines de la crise écologique sont courageusement affirmées. Sans compromettre les faits, le Pape exprime des assertions scientifiques qui manifestent “un consensus scientifique très solide” (23). Nous devons nous rappeler que François de formation scientifique, et donc il n’est pas étranger à la recherche, méthode, débat et contestation scientifique.

Il est important pour nous Africains de nous rappeler que nous sommes tous à un point ou un autre responsables pour la crise actuelle, parce que nous avons eu une tendance à blâmer les nations industrialisées (ou “le Nord”) pour plusieurs des problèmes affectant le monde. De tous les défis et problèmes auxquels le continent doit faire face, il est temps pour nous de reconnaître que nous sommes aussi part d’un problème écologique mondial, et de voir comment nos problèmes sont aussi part d’une tendance plus large et mondiale.

Je trouve cela rafraîchissant et nouveau que l’enseignement papal reconnaisse “le besoin d’un débat franc et honête” (16). Le chapitre 5 invite au dialogue entre les religions et la science. Comme l’a remarqué un intelletuel africain, l’Afrique est “notoirement religieux.” En raison de la fuite des cerveaux depuis des décennies, nous n’avons pas beaucoup de scientifiques de renommée mondiale. Cependant, notre spitiualité (le Pape Benoît XVI l’a une fois appelé “le poumon spirituel du monde”) peut être la ressource que nous apportons à la table du dialogue avec la science. Nous devons être ouverts à apprendre le language de la science afin de nous engager sur la voie d’un dialogue constructif avec les experts dans leurs domaines respectifs. Il ne suffit pas d’apprendre, nous avons besoin de mettre ces leçons en pratique.

Dans le chapitre 6, le Pape François nous invite tous à adopter un nouveau style de vie. En Afrique nous n’avons pas besoin d’aspirer à un style de vie qui s’est montré toxique pour la planète entière. Nous pouvons reconnaître que le paradigme consumériste et technologique qu’on nous a proposé est dangereux pour la vie humaine. Dans l’esprit de “ubuntu” qui reconnaît notre commune humanité et interdépendance – souvent perçue à travers ses brèches plusque que dans son son observance- nous devons éviter de faire du tort à nos prochains sur la planète. Nous devons chercher et adopter des paradigmes de développement alternatifs et appropriés qui ne portent pas préjudice à la planète, notre domicile spirituel, ancestral et véritable.

En tout, après cette première lecture de l’encyclique d’un point de vue africain, je la considérerais comme une synthèse harmonieuse de la “science,” société, éthique et spiritualité qui va nous inspirier et nous remettre en question à nouveaux frais pour les décennies à venir.

Peter Knox, SJ
Peter Knox, SJ

Peter Knox est Jésuite Sud-Africain, ingénieur en chimie industrielle de formation, qui enseigne la théologie systématique et l’éthique environnementale au théologat des Jésuites, Hekima College, à Nairobi, Kenya.

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