Les dirigeants du monde à Paris, le Pape en Afrique

Les dirigeants du monde à Paris, le Pape en Afrique

Crédit photo: Vatican Radio
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Jaime Tatay Nieto, SJ (Traduction de Xavier de Benaze, SJ)

Ce n’est pas un hasard si le Pape François est en Afrique tandis que les dirigeants du monde se réuniront à Paris dans la perspective de COP21. Dans le cadre d’une stratégie diplomatique vaticane de haut niveau visant à catalyser l’action sur le changement climatique – où Laudato si’ (LS) est venu au moment opportun – le Pape François veut offrir une vue complémentaire du Sud, où les conséquences du dérèglement climatique et de bien d’autres maux sociaux et environnementaux affectent la vie de millions de personnes.

En d’autres termes, l’évêque de Rome veut mettre, comme cela a toujours été le cas dans l’Église, les questions de justice sociale au centre du débat sur le climat. Les chefs d’État réunis à Paris entendront-ils son message?

La myopie et les intérêts nationaux avaient mené la Conférence sur les changements climatiques de Copenhague (COP15)  à une impasse. L’humanité ne peut tolérer cela à nouveau. «Il serait triste, et j’ose dire même catastrophique, que les intérêts particuliers l’emportent sur le bien commun et conduisent à la manipulation de l’information afin de protéger leurs propres plans et projets,» a déclaré le Pape lors de son discours au siège mondial du Programme pour l’environnement de l’ONU  à Nairobi, au Kenya il y a quelques jours.

Le lien entre la protection de la nature et de la construction d’un ordre social juste et équitable est l’un des sujets que le Pape François a souligné à plusieurs reprises au cours de son pontificat. «Le changement climatique est un problème global aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis actuels pour l’humanité» (LS 25). Notre réponse à ce défi «doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés» (LS 93) car «l’abus et la destruction de l’environnement sont en même temps accompagnés par un processus implacable d’exclusion.» (Discours à l’ONU, 25 Septembre 2015)

Alors que les liens entre les problèmes environnementaux et sociaux sont globaux, il y a des questions particulières qui sont typiquement locales telles que le braconnage, les réfugiés environnementaux ou l’urbanisation rapide.

Ces problèmes sociaux et environnementaux de niveaux différents dénoncés par le Pape sont indéniablement des préoccupations majeures en Afrique. Ainsi concernant les question de braconnage, le Pape François a déclaré à Nairobi: «Le commerce illégal de diamants et de pierres précieuses, de métaux rares ou de valeur stratégique, du bois et de matériel biologique, ainsi que de produits d’origine animale, comme dans le cas du trafic d’ivoire et le massacre des éléphants qui lui est relatif, alimente l’instabilité politique, le crime organisé et le terrorisme.»

Sur le thème des réfugiés environnement, l’autre phénomène récent qui touche de nombreux pays africains est le déplacement de population alimenté par l’accaparement des terres, la désertification et les conflits armés: «L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique; ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales et ils portent le poids de leurs vies à la dérive, sans aucune protection légale» (LS 25).

Le troisième défi social et environnemental mis en avant par le Pape pour l’Afrique, et le Sud en général, est le processus d’urbanisation rapide. Dans de trop nombreux cas, il a malheureusement conduit à une «croissance démesurée et désordonnée de beaucoup de villes qui sont devenues insalubres pour y vivre» (LS 44). Il n’est pas étonnant que face à la pauvreté déchirante que François a connu lorsqu’il était évêque de Buenos Aires, il reconnaisse les symptômes inquiétants d’une rupture sociale qui engendre «l’augmentation de la violence et l’émergence de nouvelles formes d’agressivité sociale, le narcotrafic et la consommation croissante de drogues chez les plus jeunes, la perte d’identité» (LS 46), un manque d’enracinement et de l’anonymat social (LS 149).

En face de la complexité de ces défis, le Pape, lors de son discours à l’ONU à Nairobi, tend la main à la conscience de ceux qui sont rassemblés au COP21: «Cette situation est aussi un cri des hommes et de la terre qui doit être entendu par la Communauté internationale.»

Est ce que les gouvernants réunis à Paris et les peuples qu’ils représentent écouteront le cri de la terre et le cri des pauvres venant du Sud?

Le texte intégral du discours de François au siège mondial du Programme des Nations Unies pour l’environnement à Nairobi, au Kenya peut être lu et téléchargé ici.

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