
L’équipe Ecojesuit (Traduit de l’Anglais par Setibo Batuzolele, SJ)
La tension manifeste pendant la première semaine de la 21ème réunion de la Conférence des Parties (COP21) au Bourget à Paris en France, est clairement un signe des temps et un moment où se définit l’avenir. Les décisions peuvent ne pas être écrites à l’encre mais l’élan pour atteindre l’engagement se construit rapidement. Il est peu probable que 150 dirigeants assisteront à la COP22 en Novembre 2016. Cette réunion pourra sans doute aider l’économie de Marrakech, au Maroc, mais la différence doit être établie ici et maintenant, pour qu’une fois rentrés à domicile, nous posions des actes droits.
L’équipe Ecojesuit a rencontré cette semaine plusieurs personnalités, certaines engagées localement dans le contexte Français et d’autres venues soutenir l’engagement de la COP21. L’engagement français est tout récent. Cependant, il se lance maintenant de nouvelles initiatives. Néanmoins, la question de savoir si la France doit jouer un rôle de premier plan est controversée.
A Paris, nous avons rencontré le Professeur physicien Hervé Le Treut, un chercheur senior au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et professeur à l’École Polytechnique. Il est également directeur du Laboratoire de Météorologie Dynamique et membre du Comité scientifique mixte du Programme mondial de recherche sur le climat et membre de l’Académie française des Sciences. Les défis, dit-il, «sont si grands que nous devons agir rapidement si nous voulons vraiment offrir des solutions efficaces avant qu’il ne soit trop tard». Il a également confié, «nous avons vraiment besoin d’innovation dans la production d’énergie» qui est un goulot d’étranglement dans tous nos systèmes, et cela va de pair avec les objectifs de financement ambitieux.
M. Jean-Charles Hourcade est directeur de recherche au CNRS et a autrefois dirigé le Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement (CIRED), un laboratoire appartenant à la fois au CNRS et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS). Il a souligné que nous avons perdu 20 ans dans les négociations. «Les économies émergentes sont maintenant en train de favoriser leurs infrastructures. Dans 20 à 30 ans, elles ont pleinement développé une économie à forte émission de carbone, alors que si nous avions pris la bonne direction, aujourd’hui, promouvant des énergies renouvelables, nous pourrions aussi faire face à une économie à faible émission de carbone dans les pays émergents.» Pour cela, nous avons besoin de fixer des objectifs concrets et allouer les fonds nécessaires qui pourraient assurer un résultat satisfaisant à ce changement économique et social majeur.
Comme scientifiques au CNRS, leur travail consiste à observer et à analyser; pour eux, une conclusion très évidente est que «ce que nous faisons ne suffit certainement pas» pour affronter le changement climatique. Les négociations à la COP21, en cas de succès, ne pourront arriver qu’à des accords sur des sujets qui ont été déjà discutées depuis de nombreuses années (réduction des émissions, des objectifs financiers), mais pas dans l’ampleur que les preuves scientifiques nous montrent aujourd’hui. Notre capacité de réagir est beaucoup plus lente que la vitesse des transformations dans l’atmosphère et dans l’environnement.

Un objectif essentiel dans la COP21 est de briser le cercle de la méfiance entre le Nord et le Sud et l’énorme malentendu entre les Etats-Unis, la France, la Chine et l’Inde. Il n’est plus question du climat mais de la transition énergétique et la nécessité de repenser le développement. Il faut davantage considérer les relations locales-globales et la coopération technique. Il y a trente ans, les questions climatiques pourraient avoir été traitées principalement comme des problèmes techniques; maintenant, nous avons besoin de chercher un meilleur équilibre, y compris sur des questions sociales et la biodiversité. Que perdons-nous, que voulons-nous protéger? Quelles sont nos valeurs?
Dr Gaël Giraud est un économiste et chercheur au CNRS, au Centre d’Economie de la Sorbonne, à l’Université de Paris, et à l’école d’Economie de Paris. Il est à présent l’économiste en chef de l’Agence Française de Développement (AFD) et a parlé de comment trouver de l’argent pour les bonnes causes. La France doit cesser de subventionner l’énergie des combustibles fossiles et un plan européen est désespérément nécessaire pour obtenir une cohérence entre les flux d’énergie. Bien que beaucoup de ses collègues ne soient pas d’accord, il a exprimé combien ces règles sont nécessaires dans les marchés financiers qui orientent les investissements vers une durabilité.
Les Fonds Verts sont recherchés en particulier pour la transformation du secteur de l’énergie et les banques de développement qui vont gérer ces fonds. Dr Giraud voit les difficultés dans le processus d’adaptation nécessaire et comment les communautés locales peuvent opérer le changement. Avec Bordeaux, par exemple, la transition vers un climat de Séville nécessite des adaptations par les communautés. Ce n’est pas un processus simple; il nécessite une réponse très complexe. Qu’est-ce qui s’est passé avec les côtes du Sénégal par exemple, ou le stress de l’eau en Bolivie? Devons-nous passer par les catastrophes subies avant que nous ne reconnaissions que les leçons à tirer sont globales et que les adaptations peuvent réduire nos peines lorsqu’elles sont faites assez tôt?
«L’adaptation et la nécessité pour les petits projets basés localement comme dans le domaine de l’agroforesterie sont cruciales», dit-il. Il a souligné la nécessité de comprendre le cadre social de ce qui est commun et le besoin d’une plus grande participation locale, non seulement pour l’environnement, mais pour l’éducation et d’autres domaines de la vie sociale où nous devons établir les règles pour les communautés durables. Dr Giraud est jésuite, et en tant que tel, a passé ses premières années au Tchad enseignant les mathématiques.
«Leur rendre leur histoire», tel est le but de Red Eclesial PanAmazónica (REPAM), dit le cardinal Claudio Hummes, délégué de la Conférence épiscopale du Brésil pour l’Amazonie, au cours d’une réunion du réseau. Les diocèses de neuf pays du bassin du fleuve Amazone se sont réunis pour travailler en appui aux peuples et à la vie en Amazonie. «L’histoire des peuples autochtones a été détruite», dit-il, «et leur vie consumée par l’exploitation du milieu et des ressources.»
Le REPAM est un réseau de solidarité et de fraternité, pas une organisation juridique des projets. Il cherche une fraternité qui respecte l’intégrité de tous les groupes travaillant en appui au peuple. L’Eglise d’Amérique Latine a beaucoup travaillé pour combattre la pauvreté; les gens sont pauvres parce qu’ils ont été exploités par le système. Le Pape François demande ce qu’il faut faire pour et avec les pauvres d’Amazonie; il y a des défis sociaux, éthiques et spirituels.
Mauricio López, secrétaire exécutif de REPAM, a expliqué que le REPAM fait partie de la stratégie planétaire selon laquelle la région de l’Amazonie fournit 20% de l’eau et de l’air de la planète entière, et son intégrité est fondamentale pour le fonctionnement de cette planète. Ce n’est pas une zone oubliée du monde car son eau (et son hydroélectricité), ses minérais, ses forêts (également comme puit de carbone) et sa terre (de l’agriculture extensive) sont exploités, mais ce sont les populations, la biodiversité (la richesse génétique) et la préservation des écosystèmes à l’échelle mondiale qui sont mises à l’écart.
Etablir l’ordre du jour requiert des outils appropriés pour répondre à ce qui se passe, à commencer par les droits humains et l’enquête pour documenter les causes et la nécessité de travailler avec les autochtones pour définir leurs droits dans des contextes locaux. Comment assurer une bonne vie à partir de différentes perspectives culturelles, de même que les questions de stabilité du climat et de l’environnement exigent un renforcement des capacités. Ensuite, la formation et l’éducation sont nécessaires à partir du contexte culturel pour un leadership pastoral. Il y a également une possibilité plus large de collaboration dans trois domaines: les réseaux internationaux; la recherche et la cartographie des préoccupations, les besoins et les actions; et la communication pour une transformation sociale. Le REPAM cherche une voie de collaboration pour soutenir les peuples autochtones de l’Amazonie et en retour une meilleure qualité de vie pour tous.

Naderev «Yeb» Saño, le diplomate philippin qui est devenu une icône des négociations climatiques de l’ONU à Varsovie (Pologne) en 2013 (COP19) lorsque le typhon Haiyan frappa les Philippines, est devenu un pèlerin de la justice climatique. Il marcha à travers le monde vers Paris et son périple se poursuit cherchant à soutenir le mouvement Fast for the Climate (jeûne pour le climat). Comme le souci de la justice climatique va bien au-delà des négociations, le jeûne est une façon concrète de construire des ponts entre foi et cultures tout en développant un mouvement de plaidoyer efficace.
Le premier jour de la conférence sur le climat, les Chefs d’Etats et de gouvernements ont pris la parole: le président des Etats-Unis Barack Obama et le président Chinois Xi Jinping ont envoyé des messages de soutien tandis que le Premier ministre indien Narendra Modi a rappelé les pays riches de leurs fortes émissions de carbone et la nécessité pour ces nations de ratifier la deuxième période d’engagement du Protocole de Kyoto à l’horizon 2020 (la première période d’engagement a pris fin en 2012). Les îles Marshall l’ont fait remarquer, mais à part les déclarations politiques, les discussions sont également une question d’argent.
Il est encore à voir si la COP21 peut définir une politique. Dans l’entretemps, socialement, il y a une profonde responsabilité de rentrer chez soi et y faire la différence. Le travail réalisé est de mettre en œuvre les efforts locaux et de renforcer les relations avec les engagements nationaux, pour obtenir un changement du monde des affaires de façon graduelle vers un investissement radical dans les énergies propres, et une consommation qui n’exploite ni ne gaspille. Nous avons maintenant les bonnes questions et quelques réponses, mais pouvons-nous obtenir des engagements? Le Sud et le Nord peuvent-ils travailler en toute confiance?
Ce sont là des questions brûlantes pour lesquelles nous cherchons et attendons des réponses.
Pendant que nous sommes ici, il y a des bombardements en Syrie, des tueries à San Bernardino, et nous semblons ne pas apprendre que la violence et la force ne sont pas une solution. D’autres réalités de la semaine qui font réfléchir ont commencé avec les inondations à Chennai, en Inde et continuent avec des inondations à Keswick, en Angleterre.